vendredi 11 juin 2010

La vérité





La pluralité des opinions fait-elle obstacle à l'exigence de vérité ? (L 2009)

La science relève-t-elle du seul désir de vérité ? (L 2009)

Peut-on douter d’une vérité démontrée ? (S 2009)

Y a-t-il des vérités indiscutables ? (S 2009)

Toute vérité est-elle relative ? (ES 2009)

Pourquoi vouloir à tout prix connaître la vérité ? (ES 2009)

La vérité peut-elle changer ? (S 2008)

Y a-t-il d’autres moyens que la démonstration pour établir une vérité ? (S 2008)

Y a-t-il des vérités qui échappent à la raison ? (S 2008)

La vérité est-elle libératrice ? (ES 2008)

La vérité est-elle relative à une culture ? (S 2007)

L'expression « c'est ma vérité » a-t-elle un sens ? (STG 2006)

Dire que la vérité est relative, est-ce dire qu'il n'y a pas de vérité ? (ES 2006)

Faut-il préférer le bonheur à la vérité ? (ES 2006)

La vérité rend-elle heureux ? (ES 2005)

Une interprétation peut-elle prétendre à la vérité ? (ES 2005)

La vérité est-elle la valeur suprême ? (S 2004)

L'esprit cesse-t-il d'être libre lorsque la vérité s'impose à lui ? (L 2004)

Toute vérité est-elle démontrable ? (ES 2004)

Y a-t-il des vérités indiscutables ? (ES 2004)

Faut-il chercher la vérité au-delà des apparences ? (STG 2004)

La vérité est-elle toujours préférable à l'illusion ? (STG 2004)

Faut-il séparer la beauté et la vérité ? (S 2003)

La vérité dépend-elle de nous ? (S 2003)

Toute vérité est-elle bonne à dire ? (S 2003)

La rigueur d'un raisonnement suffit‑elle pour garantir la vérité ? (L 2003)

Le dialogue est-il le chemin de la vérité ? (ES 2003) Peut-on avoir de bonnes raisons de ne pas dire la vérité ? (STG 2003)

Suffit-il de connaître la vérité pour renoncer à ses préjugés ? (STG 2002)

Toute vérité est-elle vérifiable ? (STG 2002)

Pour chercher la vérité, faut-il s'affranchir de toute subjectivité ? (S 2002)

Peut-on s'accorder sur des vérités morales ? (S 2002)

Les vérités scientifiques sont-elles indiscutables ? (S 2002)

La vérité n'est-elle recherchée que pour les avantages qu'on en attend ? (ES 2001)

De quelle vérité l'opinion est-elle capable ? (ES 2001)




Cf. Manuel p. 304-319. Voir aussi l'introduction sur l'Opinion et la Connaissance.

I La définition de la vérité

I.1 La définition par la correspondance du jugement à la réalité

Blaise Pascal disait qu'un terme aussi simple que « vrai » ne pourrait pas recevoir une définition. On ne peut pas tout définir car « on arrive nécessairement à des mots primitifs qu’on ne peut plus définir » (De l'esprit géométrique, 1657).

Pourtant, il existe une définition traditionnelle : la vérité est « l'adéquation, la correspondance ou l'accord d'une représentation et de la chose représentée ». Pour définir le concept de vérité, on a donc besoin de celui de réalité. La réalité est tout ce qui existe. Une proposition ou une représentation est vraie si et seulement si elle est en accord avec des objets réels.





Dans l'Allégorie de la Caverne de Platon, les croyances des prisonniers sont fausses puisqu'elles ne correspondent pas au « monde réel » mais seulement à des illusions. « pV = nRT » est vrai au sens strict ssi il y a des « objets » dans la réalité (la pression du gaz, le volume, la quantité de moles du gaz et la température) qui rendent cette expression « vraie ». La réalité est un ensemble de faits ou de choses, la vérité est la propriété de pensées ou de phrases : des jugements. La connaissance cherche donc des théories vraies, c'est-à-dire les plus en accord avec la réalité. De la fausse monnaie est quelque chose de réel mais ce n'est pas vraiment ce que nous croyons, elle est qualifiée de fausse parce qu'elle crée des croyances fausses, des erreurs.

Mais comment peut-on comparer les vraies représentations et les faits réels ? Ne connaissons-nous pas des faits que ce que nous pouvons en comprendre par l'intermédiaire de nos théories ?

Cf. La Raison et la démonstration II.1 sur le problème du « critère » de la vérité (le débat entre les Sceptiques et Descartes sur la vérité, la certitude et le doute)

I.2 Le critère de cohérence formelle ou logique

On peut ajouter à la Correspondance l'idée de Vérité comme Cohérence. Il y a des théories qu'on considère comme vraies parce qu'elles sont déduites d'autres vérités, même si on ne peut pas connaître directement les faits réels. Par exemple, on n'a pas expérimenté des faits sur un lointain passé mais on peut se servir d'une forme de déduction rétroactive à partir de l'observation de faits actuels. Cf. La raison et la démonstration I.2 sur la notion de validité formelle. On peut ainsi définir la vérité formelle d'une théorie (que les propositions ne se contredisent pas les unes les autres) par opposition à sa vérité « matérielle » (qu'une théorie corresponde à des faits).

Une théorie vraie doit être cohérente, mais ce n'est pas suffisant. Plusieurs théories distinctes peuvent être cohérentes et en accord avec ce qu'on croit savoir sans qu'on puisse toujours trancher. Doit-on supposer un autre critère pour reconnaître une théorie vraie ?

I.3 Le critère « pragmatiste » de la vérité

Le philosophe et psychologue américain William James (1842-1910) a créé au début du XX e siècle une célèbre définition de la vérité, la définition « pragmatiste » du vrai. Pour James, on ne peut pas toujours savoir si une théorie correspond aux faits réels, mais on peut au moins savoir si elle nous convient, si elle semble « fonctionner » pour les êtres humains, s'il y a des raisons pratiques pour y croire. A la même époque, le mathématicien Henri Poincaré (1854-1912) défend que certaines hypothèses physiques doivent être acceptées comme de simples conventions commodes.

Mais cette définition confond les motifs psychologiques pour croire et la vérité objective. Même si une théorie semble être efficace et qu'on y croit, on peut encore se demander si elle est vraie. Un médicament qu'on croirait efficace par simple effet placebo serait quand même un faux médicament s'il n'agit pas réellement.

Il faut donc bien un accord avec des faits réels et pas seulement la cohérence ou une convention pragmatique. La valeur de la vérité ne se réduit pas à ce qui paraît utile, car ce serait trop relatif. Mais on ne peut pas démontrer toutes nos opinions, il y a donc plusieurs degrés d'opinions plus ou moins vraisemblables ou plus ou moins fondées sur des arguments rationnels.

II La valeur de la vérité

II.1 La vérité a-t-elle nécessairement de la valeur ou faut-il défendre l'illusion ?





Friedrich Nietzsche p. 319 critique le fait que tous les philosophes disent vouloir chercher la vérité pour elle-même parce qu'elle aurait plus de valeur que l'illusion. Cf. Aristote sur la valeur de la vie contemplative. Mais selon Nietzsche, il n'y a aucune preuve de cela : il est peut-être faux que la vérité soit toujours à rechercher. Nietzsche va donc plus loin que le pragmatisme : pour lui, ce qui peut contribuer à notre bonheur ou à notre survie peut avoir plus de valeur que le concept de vérité. Cf. Cours sur le bonheur II.3 Bonheur et connaissance. Comme le dit Descartes, un bonheur fondé sur l'illusion ne serait que temporaire, un faux bonheur. La vérité peut nous blesser sur le moment mais nous ne pourrions pas nous contenter d'illusions consolantes si nous savions en fait qu'elles sont fausses. La vérité, même lorsqu'elle s'impose à nous, peut nous libérer en nous libérant de nos préjugés (Cours sur la liberté II).

II2 La Vérité en Art

Il y a des cas où on peut en effet défendre la valeur de l'illusion contre un souci de n'en rester qu'à la réalité : l'Art par exemple. Platon était sans doute excessif dans la République quand il critique en l'artiste un simple imitateur de la réalité ou un illusionniste.

Mais même quand l'Art s'écarte du réel, ne peut-on pas dire que c'est au contraire pour chercher encore la vérité, mais une expression nouvelle de la vérité qui n'était pas connue dans l'expérience directe de la réalité ? Cf. Cours sur l'Art I.2 sur Hegel et III sur le statut de vérité « subjective » des jugements esthétiques et de la critique en art.

II.3 Le devoir de véracité a-t-il des limites ?

On a vu qu'il faut chercher à connaître la vérité. Mais a-t-on toujours le devoir de dire (ce qu'on croit être) la vérité ? Quand on prétend mentir pour de bonnes raisons, c'est souvent pour des prétextes intéressés ou par lâcheté (cf. Cours sur le devoir moral II.2 Kant contre Benjamin Constant p. 318), mais on peut défendre quand même qu'on peut ne pas la dire dans n'importe quelle circonstance à n'importe qui.

III La recherche de la vérité et l'évolution de la connaissance

III.1 L'Idée de vérité absolue

Cf. Introduction contre le Relativisme : il y a des vérités absolues et des vérités relatives.

Il y a certaines vérités qui sont absolues, vraies de manière nécessaires et universelles. C'est par exemple le cas des vérités mathématiques. Un théorème démontré ne pourra jamais être réfuté.

Mais cela ne veut pas dire que toute vérité absolue soit seulement une connaissance a priori ou bien une vérité objective car le Cogito de Descartes est un exemple d'une vérité certaine mais qui n'est connaissable que pour le Sujet qui en prend conscience.

III.2 Les erreurs et les illusions

La méthode scientifique cherche des moyens d'éviter les erreurs. Pour Descartes dans les Méditations métaphysiques, IV, les erreurs ne viennent pas de limites de notre intelligence ou même de nos sens, mais plutôt du fait que nous voulons interpréter hâtivement sans avoir assez d'information au lieu de suspendre notre jugement (douter). En ce sens, l'erreur dépend de nous, elle est de notre faute.

C'est encore plus clair avec l'illusion, qui est une erreur entretenue par nos désirs. Cf. La religion III.2. Freud p. 317

Mais l'erreur n'a pas qu'un rôle négatif car il y a certaines théories vraies qu'on ne peut atteindre qu'en ayant d'abord critiqué et corrigé nos préjugés et nos impressions. Comme le dit Hegel, en philosophie, une opinion excessive ou unilatérale peut être un moment nécessaire par lequel il fallait passer avant d'arriver à la vérité. C'est ce que veut dire sa formule énigmatique « Le Faux est un moment du Vrai » (Phénoménologie de l'esprit, 1807). Comme le dit le philosophe des sciences Karl Popper, la méthode scientifique doit procéder par conjectures et réfutation, par le progrès de l’esprit critique. Cf. La démonstration III.2.

III.3 La vérité peut-elle changer ?

Il y a des phrases qui sont vraies ou fausses relativement à un lieu ou à un temps. Mais cela ne veut pas dire que la Vérité elle-même change. Nos théories sont plus ou moins vraies en se précisant, en se corrigeant.

Notre meilleure théorie (que ce soit en mathématiques ou dans les sciences empiriques) est plus proche de la Vérité en ce sens, même si on doit admettre que sur les vérités empiriques, on peut avoir plusieurs degrés de probabilité sans une vérité absolue (cf. Bertrand Russell p. 313). Cela ne renonce pas pour autant au concept et à la valeur de l'idée de Vérité.

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